Vers 1930, Giorgio de Chirico traverse une phase charnière de son œuvre, souvent qualifiée de « période néoclassique » ou « baroque néo-italien », marquée par un retour à la tradition picturale et une attention renouvelée aux canons de la peinture occidentale ,notamment la peinture italienne de la Renaissance et du XVIIe siècle. Ce moment suit sa rupture définitive avec le surréalisme parisien, mouvement dont il avait pourtant largement inspiré les fondements dans les années 1910 avec sa phase dite « métaphysique » (pittura metafisica).
Autour de 1930–1933, de Chirico développe un langage pictural plus lisse, plus académique, et parfois controversé, avec des nus féminins, des autoportraits idéalisés, des scènes mythologiques, et des compositions plus charnelles ou sculpturales, souvent inspirées par Rubens, Ingres ou Titien. L’œuvre Bagnante seduta (Baigneuse assise) entre précisément dans cette logique : elle incarne une volonté de réhabiliter le corps classique dans une lumière théâtrale, dans des poses frontales ou de profil, avec un modelé doux mais une frontalité volontairement figée.
Cette période marque aussi son éloignement de l’avant-garde, qui le critique vivement pour ce virage perçu comme réactionnaire. De Chirico assume cependant ce retour aux « vrais maîtres », dénonçant même le modernisme comme une décadence. Il s’agit pour lui non d’un renoncement à l’expérimentation, mais d’un approfondissement de la peinture dans sa dimension intemporelle, plastique, et mythologique.
Ainsi, Bagnante seduta, par son sujet classique (la baigneuse), son traitement charnel, et sa facture soigneusement modelée, s’inscrit pleinement dans la recherche d’un art “restaurateur”, nourri d’histoire, de beauté formelle et d’ambiguïtés symboliques. Cette période, longtemps sous-estimée, est aujourd’hui réévaluée par les historiens de l’art, qui y voient moins une trahison qu’une exploration complexe de l’identité picturale et de la mémoire occidentale à l’ère de la modernité.