Dans cette lithographie issue de la grande suite de l’Odyssée (1974), Chagall choisit un moment d’intimité, presque secret, où l’épopée homérique se fait tendresse. Euryclée, la nourrice fidèle, reconnaît Ulysse en lavant ses pieds, non pas dans l’éclat des combats ni au tumulte des voyages, mais dans le silence d’un geste quotidien qui devient révélation. Le vert tendre qui baigne la scène efface le drame pour laisser place à une atmosphère de paix retrouvée, comme si Chagall voulait suspendre le récit dans un instant de grâce domestique. Le trait noir, souple et nerveux, inscrit les figures dans une danse discrète, tandis que la couleur (or du bassin, transparences des feuillages) ouvre un espace de réconciliation entre l’homme errant et son foyer. Ici, l’exil et le retour se condensent en une scène unique, où l’humanité la plus simple rejoint le mythe.