Dans cette lithographie de Marc Chagall, Ruth aux pieds de Booz, tout est silence, nuit, dépossession. Ruth, couchée dans l’ombre, s’abandonne aux pieds de l’homme endormi sous la lune, dans un geste de soumission et d’attente, mais sans crainte, sans honte, comme si l’amour ici relevait non de la conquête, mais de la fidélité à une histoire ancienne. Le fond est saturé de brun et de noir, mais traversé par des éclats blancs, comme des cendres, des étoiles, des traces de souffle. La lune, immense, éclatante, semble veiller sur cette scène biblique qui n’a rien d’une scène religieuse : elle est humaine, douce, presque animale. Le corps de Ruth épouse la courbe du sol, le bras de Booz repose comme une offrande oubliée, et pourtant, tout vibre d’une tension intérieure. Chagall ne raconte pas : il fait réapparaître une mémoire enfouie. Ce n’est pas la Ruth de l’Écriture, c’est la Ruth de la nuit, de l’exil, de la promesse. Une figure d’humilité, de patience, de lumière muette dans la terre sombre.